C’est une réalité: les filles sont meilleures à l’école que les garçons. Systématiquement, depuis 1969, les filles ont de meilleures notes en cours, redoublent moins et font davantage d’études secondaires et universitaires. Ce phénomène est durable. Encore aujourd’hui, 70% des filles d’une classe d’âge passent le baccalauréat contre seulement 59% des garçons de la même classe d’âge. À la sortie du système scolaire, les jeunes femmes sont non seulement plus diplômées que leurs camarades masculins mais leurs diplômes sont généraux, tandis que les jeunes hommes sont davantage titulaires de diplômes professionnels (CFC en Suisse, bac professionnel ou BTS en France). Devraient donc s’ouvrir aux femmes plus de possibilités de carrières.

Sauf que cet avantage scolaire des jeunes filles ne se retrouve pas dans le monde professionnel. Les femmes sont cantonnées à des métiers moins valorisés socialement et, par conséquent, moins rémunérés. Ce constat repose sur plusieurs explications.

Les compétences scolaires ne sont pas forcément celles qui permettent d’évoluer dans le monde professionnel. Ainsi, même si la réussite scolaire des filles est plus conséquente que celle de leurs congénères masculins, le «curriculum caché» des garçons leur permettra une meilleure adaptation au monde du travail. En classe, pour réussir, avoir des bonnes notes et valider son année, il suffit d’être attentif, de suivre les consignes et de respecter les attentes des professeurs. Mais ces capacités de bon élève ne sont pas celles requises dans la vie professionnelle: l’esprit d’initiative, le fait d’utiliser ses propres ressources, ce que les garçons sont encouragés à faire depuis le plus jeune âge, sont davantage reconnus. Il faut en effet demander pour obtenir – ce que les filles ont peu été habituées à faire –, sinon les rémunérations stagnent et les évolutions de poste sont inexistantes.

En outre, statistiquement, les tâches ménagères et l’éducation des enfants continuent de reposer sur les épaules des femmes, qui doivent donc s’occupent à la fois de leur carrière et de leur famille. Il est possible que les jeunes filles anticipent cette double charge en s’orientant vers des professions leur permettant de concilier leur vie privée et leur vie professionnelle.

Pour pouvoir prendre en charge leurs tâches familiales, les femmes vont également davantage travailler à temps partiel et se dirigeront vers des métiers où cette pratique est possible. En outre, dans les mœurs, il est plus accepté que les femmes travaillent moins pour pouvoir s’investir dans l’éducation de leurs enfants. En conséquence, il sera beaucoup plus difficile pour un homme d’obtenir un temps partiel pour s’occuper de sa famille – on s’aperçoit d’ailleurs que les temps partiels des hommes sont davantage dédiés à la pratique d’une activité sportive ou au suivi d’une formation continue, dans l’objectif de booster leur carrière. Par ricochet, certaines femmes, qui souhaitent travailler à temps plein, se verront uniquement proposer un temps partiel, l’employeur anticipant en quelque sorte leur éventuel investissement familial, qu’il s’agisse de la grossesse et du congé maternité, ou du fait que ce seront elles qui iront chercher les enfants à l’école.

L’existence d’un plafond de verre explique aussi cette répartition sexuée des professions. En effet, les hommes parviennent davantage à grimper l’échelle hiérarchique, notamment en raison du choix initial de la filière d’étude: les PDG sont plus souvent issus d’une formation économique que détenteurs d’un diplôme en communication ou ressources humaines. Or, plus on monte dans la hiérarchie, plus le système fonctionne par adoubement: les hommes qui sont au plus haut auront tendance à s’entourer de personnes qui leur ressemblent. C’est pour cette raison que les membres des conseils d’administration sont majoritairement des hommes blancs entre 40 et 50 ans.

C’est en cela que les quotas peuvent servir car ils provoquent un système d’entraînement: les femmes aux postes-clefs ouvriront davantage leurs portes aux femmes que leurs collègues masculins et leur visibilité montrera à l’ensemble des femmes qu’il est possible de parvenir à des postes à responsabilité.