C’est faux. La poupée était originellement réservée aux classes favorisées, mais n’était pas spécifiquement destinée aux filles. C’est le cas de tous les autres jouets: seuls les enfants des classes nobles avaient des jouets, les enfants pauvres, quant à eux, devaient travailler dès leur plus jeune âge. Ce n’est que très récemment que les jouets sont devenus sexués.

Dans l’Antiquité, les enfants jouaient avec des dînettes ou des animaux en terre cuite, ainsi qu’avec des jetons, des billes, fabriqués à partir d’os ou de terre cuite, qu’on a retrouvés plus tard dans des tombeaux. Au Moyen Âge, ils jouaient avec des cerceaux, des bâtons, des chevaux de bois, dont on retrouve des traces à travers la peinture.

La poupée apparaît au XVIe siècle. Mais elle reste l’apanage des classes favorisées: plus qu’une question de sexe, c’était une question de classe sociale. On sait ainsi que le roi de France Louis XIII y jouait. D’ailleurs, jusqu’à l’âge de 3-4 ans, les enfants étaient maintenus dans une relative indifférenciation en termes d’habillement et de coupes de cheveux: on le constate sur les gravures, prince ou princesse, la chevelure bouclée et la robe étaient de mise.

Au XVIIIe siècle, l’irruption du métal sonne le début de l’industrie du jouet: soldats d’étain ou de plomb, tambours et trompettes sont les précurseurs du jouet en série, qui apparaît au XIXe siècle. Plus médiatisé, le jouet apparaît alors dans une plus grande diversité de matériau et de couleurs, mais les classes favorisées continuent d’en conserver le monopole, les enfants pauvres travaillant à l’usine ou au champ pour subvenir aux besoins de leur famille.

Ce n’est qu’au XXe siècle que le jouet se démocratise. Les nouveaux modes de production ont en effet permis d’en diminuer le coût. Parallèlement, Noël devient une fête importante associée aux cadeaux et aux jouets que l’on offre aux enfants. C’est à ce moment-là de l’histoire que les jouets ont tendance à devenir de plus en plus sexués.

Et si la poupée est entrée dans l’univers du jouet féminin, c’est parce que les jouets sont une représentation dichotomique du monde adulte, divisé en masculin et féminin. La poupée a été comme naturalisée, biologisée: à l’époque, seules les femmes s’occupaient des enfants, seules les petites filles s’occuperaient donc des poupées. Ce concept marketing est tellement ancré que le fait que les pères occupent désormais une place plus importante dans l’éducation des enfants n’est pas représenté: pour tous, la poupée est un jeu féminin.