Cette socialisation différenciée des enfants selon leur sexe est en leur défaveur. Filles et garçons paient chacun leur tribut.

Les représentations du féminin transmises aux filles en font des individus plus passifs, qui ont tendance à être dans une relation de dépendance, c’est-à-dire à attendre davantage quelque chose d’autrui plutôt que de débloquer ou de faire évoluer une situation d’eux-mêmes (ce qui est l’une des origines du «plafond de verre» que subissent les femmes dans le monde professionnel). Ceci s’explique par la confiance en elles-mêmes réduite des jeunes filles, qui vient du fait qu’elles ont moins de modèles positifs et valorisés à disposition. Par conséquent, même si les filles ont de meilleurs résultats scolaires que les garçons, leur orientation scolaire reste dans un éventail de choix plus limité, ce qui implique un champ des possibles professionnels plus restreint et une moins bonne insertion professionnelle que leurs congénères de sexe masculin.

Cela ne signifie pas pour autant que tout est rose du côté des garçons. Certes, cette socialisation différenciée est à leur avantage en ce qu’elle leur apprend à être autonomes, indépendants, à savoir faire des choses seuls et à évoluer dans un monde compétitif. Ainsi, les jeunes hommes ont plus de choix en termes d’avenir professionnel: les compétences spatiales, techniques et mathématiques qu’ils ont acquises, par le biais des jouets dans la petite enfance puis des matières enseignées dans leur cursus scolaire et dans lesquelles ils sont censés être meilleurs que les filles, leur ouvrent davantage de formations et des carrières dans de plus hautes sphères, impliquant des salaires plus élevés que leurs collègues de sexe féminin.

Mais tous ces avantages ont un revers: les garçons sont moins armés dans la communication émotionnelle et cette défaillance peut être à l’origine d’états de détresse. On constate ainsi que le taux de suicide des adolescents de sexe masculin et des hommes est plus élevé que celui de leurs homologues féminines. On sait également qu'ils sont plus enclins à la prise de risque (conduite automobile à risque, tendance à manger gras, à ne pas faire de sport ou à fumer, donc à négliger leur santé, ou à ne pas aller chez le médecin à temps) et sont bien plus nombreux que les filles à être victimes d'accidents. Plus tard, dans le monde du travail, la société acceptant beaucoup moins l’importance que peut avoir la vie privée pour les hommes, il leur est plus difficile de trouver un équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle et de s’affranchir du seul modèle qui leur est proposé, celui de la réussite et de la compétition.

Ces comportements à risque n’ont pas seulement une implication négative sur leur vie personnelle. Le fait que les filles soient plus enclines à ne pas répondre à un QCM lorsqu’elles ne sont pas sûres de la réponse alors que les garçons tenteront leurs chances a un retentissement sur la société en général. La crise nous le démontre: les entreprises qui ont fait faillite ou sont dans des situations financières difficiles sont celles qui avaient le plus d’hommes à leur tête; tandis que celles qui ont le plus résisté avaient une présence féminine plus importante au conseil d’administration ou parmi les cadres supérieurs. La façon dont filles et garçons analysent le risque et agissent en conséquence est donc loin d’être futile, tout comme la socialisation qui les a menés à avoir des comportements différenciés.