C’est vrai: chaque année, des dizaines de bébés naissent de sexe indéterminé. Cela peut renvoyer à plusieurs cas de figures. Des malformations au niveau de l’appareil génital par exemple: un bébé peut ainsi naître avec deux appareils génitaux, le masculin et le féminin, ou bien un appareil génital atrophié. Un couple peut aussi, après avoir fait une amniocentèse durant la grossesse, savoir que le bébé est une fille, puisque ses chromosomes sont XX. Sauf que c’est un garçon, avec un pénis, qui naît. Le sexe génital du bébé ne correspond alors pas à son sexe chromosomique.

Pour bien comprendre comment de telles situations peuvent exister, il faut reprendre les différentes étapes nécessaires au développement du sexe chez le fœtus.

Le sexe chromosomique / génétique

Il est fixé au moment de la fécondation: dans la majorité des cas, le fœtus est soit XX, pour les filles, soit XY, pour les garçons.

Le développement du fœtus

Pendant les sept premières semaines, les voies génitales (internes ou externes) sont les mêmes, et ce que le fœtus ait un sexe chromosomique XX ou XY. On parle de double ébauche du tractus génital: les embryons mâles et femelles ont une morphologie identique; on y trouve à la fois les canaux de Wolff, ébauche des canaux reproducteurs masculins, et les canaux de Müller, ébauche des organes génitaux féminins.

À partir de la septième semaine, le chromosome Y va induire la production de deux hormones: la première, dite anti-müllerienne (AMH), inhibe les canaux de Müller, qui vont finir par s’atrophier; la deuxième, la testostérone, déclenche le développement des canaux de Wolff, qui vont devenir les organes génitaux masculins.

Chez les fœtus XX, en l’absence de chromosome Y, il n’y aura pas de production hormonale. N’étant pas inhibés par l’AMH, les canaux de Müller vont donc poursuivre leur évolution, se transformer en utérus, trompe et vagin. Et, sans testostérone, les canaux de Wolff vont s’atrophier.

Le sexe corporel à la naissance

Il s’agit de l’appareil génital externe et des organes génitaux internes, qui sont différents chez les petites filles et chez les petits garçons. C’est en fonction de l’appareil génital externe (pénis ou vulve) que l’on attribuera un sexe à l’enfant à la naissance.

Dans la plupart des cas, il y a adéquation entre le sexe chromosomique et le sexe génital, sur la base duquel est donc déclaré le sexe de l’enfant à la naissance. Mais, comme le prouvent ces enfants qui naissent avec un sexe indéterminé, ce n’est pas toujours le cas. Tous les êtres humains ne sont pas XX ou XY et, outre ces anomalies chromosomiques, il existe des anomalies hormonales qui font que le sexe corporel diffère du sexe chromosomique.

Aujourd’hui, les avancées technologiques et notamment l’amniocentèse permettent de connaître le sexe chromosomique de l’enfant et de constater, lorsqu’à la naissance l’appareil génital ne correspond pas, qu’il y a une anomalie. Cela n’a pas toujours été le cas: certains individus ne réalisent qu’à l’âge adulte, lorsqu’ils cherchent à avoir des enfants, qu’ils sont stériles parce que leur appareil génital interne ne correspond pas avec leur apparence extérieure et donc le sexe qui leur a été attribué à la naissance!

D’autres anomalies ont été mises à jour lors des tests de féminité passés dans le monde sportif. Ainsi, la coureuse sud-africaine Caster Semenya, qui avait des maxillaires marquées, des arcades sourcilières prononcées, une voix masculine et une faible poitrine s’est révélée être intersexe, avec des testicules internes, une production forte de testostérone mais une insensibilité aux androgènes (hormones mâles), qui expliquait qu’elle ait un appareil génital externe féminin et ait été déclarée comme fille. Difficile pour ces personnes de remettre en question le sexe qui a toujours été le leur – et d’autant plus pour cette athlète, qui a été interdite de concourir pendant un temps.

À l’heure actuelle, on peut prendre conscience de ces anomalies dès la naissance et parfois même pendant la grossesse. En cas de doutes sur l’attribution d’un sexe au nouveau-né, on effectuera une batterie de tests pour mettre en balance les résultats de l’amniocentèse (sexe chromosomique), les taux hormonaux, la formation de l’appareil génital interne et la visibilité de l’appareil génital extérieur, le tout en incluant et en accompagnant les parents.

Inscrire ces nouveau-nés sous une case «sexe indéterminé» / «intersexe» n’est pas une option réaliste parce que la catégorie sociale sexe est fondamentale chez l’enfant pour comprendre le monde qui l’entoure. Il a besoin, pour se construire, que l’on projette sur lui le sexe masculin ou le sexe féminin.

Auparavant, la solution, en cas de dimorphisme majeur, par exemple de double appareil génital (hermaphrodisme) à la naissance ou de pénis atrophié, était de faire de ces enfants des filles en procédant à une opération chirurgicale – il était en effet plus facile de couper le sexe masculin de l’enfant plutôt que d’en reconstruire un correspondant à son sexe chromosomique. Les médecins faisaient également suivre un traitement hormonal à ces enfants, pour que le corps soit le plus en adéquation possible avec le sexe déclaré.

Mais ces transformations chirurgicales étaient vécues comme des mutilations. À l’âge adulte, ces personnes avaient des sensations sexuelles amoindries, parfois une impossibilité totale à atteindre l’orgasme. Et les traitements hormonaux étaient lourds, et entraînaient des effets secondaires.

On ne sait pas encore ce qui est le plus facile pour ces enfants, s’il vaut mieux les déclarer comme fille ou garçon, mais, quelle que soit l’anomalie, on évite de faire correspondre à tout prix appareil génital et sexe chromosomique et de se tourner vers la chirurgie ou la prise d’hormones et le traumatisme qu’elles engendrent. Il s’agit de respecter le corps de l’enfant et de lui offrir, lorsqu’il aura l’âge, un suivi psychologique, à lui et ses parents.